Réfugiés : le bal des hypocrites est ouvert

La « question migratoire », selon les termes choisis du ministre de l’Intérieur français, attendra encore son règlement au niveau européen. Combien de temps le provisoire accepté par le HCR comme un pis-aller va-t-il durer, les réfugiés forcés à rejoindre leur nouveau camp en attendant de connaître leur sort ?

Les commentaires font état de la baisse de leur arrivée sans s’appesantir sur les obstacles à leur progression installés tout au long de leur exode. Celui-ci peut être ralenti mais pas stoppé. Ce qui impose de trouver une succession aux accords de Dublin qui ont failli. Face à la « pression migratoire », la commissaire européenne aux Affaires intérieures Ylva Johansson va donc présenter aujourd’hui une réforme de la politique d’asile sous la forme d’un « mécanisme de solidarité obligatoire ».

Derrière les nobles intentions affichées, il est attendu la possibilité d’accueillir des réfugiés à qui l’asile est accordé – on ne sait selon quels critères exacts – ou au choix de participer à leur renvoi dans leur pays d’origine quand ils sont déboutés de leur demande. En Grèce, c’était le cas des deux tiers des réfugiés après des mois si ce n’est des années d’attente dans le camp de Moria. Cela va-t-il changer comme il est demandé à Bruxelles ?

Mais le « nouveau système européen de gouvernance de la migration » prévoit la possibilité pour la Commission d’imposer l’accueil de réfugiés à un pays s’il n’y a pas assez de candidats, ce qui n’est pas acceptable pour les gouvernements qui ne veulent pas en entendre parler. Et les demandes d’asile vont devoir continuer à être examinées en Grèce, ce qui n’est pas de bon augure.

Les autorités grecques se félicitent d’avoir vidé les rues et parkings de Lesbos de leurs réfugiés et d’avoir rempli le nouveau camp de toile construit sur un terrain en pente, sans arbres et très caillouteux. Les équipements sanitaires et les matelas seront pour plus tard. Quand elles n’ont pas fait le chantage à l’asile – qui ne pouvait selon elles être obtenu qu’à condition de rejoindre le nouveau cantonnement – les autorités ont déployé d’importantes forces de police pour littéralement pousser dans le camp par petits groupes les réfugiés affamés et affaiblis.

Oxfam et le mouvement WeMove Europe ont annoncé mardi le dépôt d’une plainte auprès de la Commission européenne pour lui demander d’ouvrir une procédure d’infraction contre la Grèce accusée de violer les droits des demandeurs d’asile. Sans aucune chance qu’elle aboutisse à une procédure d’infraction dans le contexte actuel. C’est à nouveau en Allemagne que des manifestations ont eu lieu dans plusieurs grandes villes afin de réclamer que tous les réfugiés de Moria soient accueillis et qu’aucun nouveau camp ne les cantonne à Lesbos.
La sinistre leçon de cette situation, cinq après la mise en chantier de l’élaboration de nouveaux accords, est qu’il a fallu que le camp de Moria soit incendié pour que les lignes bougent. Mais cela n’annonce pas grand-chose de bon. Il ne peut pas y avoir d’autre Moria a déclaré la Commissaire, mais c’est déjà le cas en attendant la suite.
La plupart des navires des ONG sont bloqués dans des ports italiens à la suite de contrôles pointilleux des autorités maritimes. Les autoriser à reprendre la mer est un préalable qui n’est pas énoncé, cela en dit plus long que les proclamations.

Faute de ports l’autorisant à débarquer une centaine de réfugiés sauvés en mer, l’Alan Kurdi fait désormais route vers Marseille. Les autorités françaises vont être à pied d’œuvre.

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